Fin 2017, le taux de recouvrement des amendes pénales prononcées en 2016 était estimé à 48 %, soit 168 millions d'euros, selon un rapport de la commission des finances du Sénat paru en février 2019[1]. En comparaison, le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées « radars » était de 30 %.
Le Trésor public dispose donc de plusieurs procédures pour obtenir le paiement de celles-ci.
Ce dernier peut opérer une saisie via la procédure de saisie administrative à tiers détenteur. L’administration s’adresse à un tiers qui détient des sommes d’argent appartenant à la personne concernée, afin de les saisir et de procéder au paiement de la somme due. Le Trésor public est néanmoins contraint de laisser à disposition du débiteur personne physique, dans la limite du solde créditeur du ou des comptes au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d'un montant égal au montant forfaitaire du Revenu de Solidarité Active (RSA), soit 646,52 euros par mois à partir du 1er avril 2025.
Concernant le revenu, seule une fraction de celui-ci peut être retenue et son montant saisissable se calcule à partir du cumul des salaires nets perçus au cours des 12 mois précédant l'acte de saisie.
Certaines prestations sociales peuvent également être saisies par voie administrative auprès d’un tiers détenteur, c’est le cas de l’assurance invalidité, de l’Allocation du régime d’assurance chômage, des indemnités journalières de la sécurité sociale, des pensions civiles d’invalidité, de l’assurance vieillesse, des pensions civiles et retraites de l’État, du droit à pension des militaires…
D’autres prestations restent cependant insaisissables. C’est le cas du revenu de solidarité active (RSA), ou encore de l’allocation de solidarité spécifique (ASS).
Enfin, comme le dispose l’article L.553-4 du Code de la sécurité sociale, “les prestations familiales sont incessibles et insaisissables”, en principe. Cependant, certaines prestations familiales peuvent être saisies mais uniquement afin de rembourser certains types de dettes telles que “le paiement des dettes alimentaires ou l'exécution de la contribution aux charges du mariage et liées à l'entretien des enfants” ou encore des “frais entraînés par les soins, l'hébergement, l'éducation ou la formation”. Ces sommes sont saisies dans la limite d’un montant mensuel fixé selon les revenus et les charges de la famille.
Leur saisie est néanmoins impossible pour le remboursement d’amendes.
A l’heure où nous cherchons des pistes de financement pour réduire notre déficit, les amendes non recouvrées représentent chaque année des centaines de millions d’euros en moins pour l’État, ce qui impose une action corrective.
Dans ce sens, alors que Pierrette Poncela, professeure émérite en Droit privé et en sciences criminelles, caractérise de manière centrale la notion de rétribution, allant même jusqu’à écrire : “la notion de rétribution est l'autre nom de la peine : punir c'est toujours rétribuer”[2], le non paiement des amendes et le défaut de recouvrement pose une question substantielle. En effet, une peine sans punition ne peut être, puisque c'est l'acte rétributif qui constitue en lui-même la pénalité. En l’absence de recouvrement, c’est donc toute la définition de la peine qui est remise en question.
Enfin, nos concitoyens qui s’acquittent systématiquement de leurs amendes ressentent une profonde inégalité face à ceux qui ne s’acquittent jamais de celle-ci et cela est inconcevable. Tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, d’origine, de race ou de religion. La loi est la même pour tous qu’elle protège ou qu’elle punisse. Ainsi, il est inadmissible que des citoyens se soustraient systématiquement à leurs obligations, et en tant que législateurs, nous avons le devoir de remédier à cela.
Cet amendement ne cible donc en aucun cas tel ou tel citoyen et la proposition de loi pour réformer l'accueil des gens du voyage ne constitue qu’un support législatif permettant de faire rentrer dans le droit commun une disposition élargissantles motifs de saisie des prestations familiales déjà « saisissables » en incluant le motif du remboursement des amendes impayées.
[1] Rapport d'information n° 330 (2018-2019), déposé le 20 février 2019, Amendes pénales : l'urgente modernisation du recouvrement de Antoine Lefèvre
[2] «Par la peine, dissuader ou rétribuer», P. Poncela, Archives de philosophie du droit, t. 26, 1981, p. 65.